ALICOM 99/3





Conférence sur le commerce international des denrées alimentaires au-delà de l'an 2000: décisions fondées sur des données scientifiques, harmonisation, équivalence et reconnaissance mutuelle
Melbourne (Australie), 11-15 octobre 1999

La Commission du Codex Alimentarius

par

A.W. Randell, Fonctionnaire principal, Programme mixte FAO/OMS sur les normes alimentaires, Rome, Italie



Table des mati�res


1. Dans un peu plus de deux ans, en novembre 2001, la Commission du Codex Alimentarius fêtera le quarantième anniversaire de sa création par la Conférence de la FAO. La prochaine session de la Commission, qui se tiendra aussi en 2001, coïncidera avec le dixième anniversaire de la Conférence de mars 1991 sur les normes alimentaires, les substances chimiques dans les aliments et le commerce des produits alimentaires. Ce sera la première session de la Commission du nouveau siècle: le nouveau millénaire.

2. Il y a lieu de se pencher sur les activités de la Commission, sur les moyens qu'elle a adoptés pour relever les défis lancés par la Conférence de 1991 et sur ses orientations futures.

3. La Commission du Codex Alimentarius est chargée de mettre en _uvre le Programme mixte FAO/OMS sur les normes alimentaires. Les principaux objectifs du Programme sont, et continueront d'être, les suivants: protéger la santé des consommateurs et assurer des pratiques loyales dans le commerce des produits alimentaires en élaborant des normes alimentaires acceptables par tous les pays. Au sens large, on entend par "normes": - des normes spécifiques pour des produits; des normes générales pour l'étiquetage, les additifs, l'hygiène, les contaminants, etc., à appliquer à un large éventail de produits alimentaires; des limites maximales pour les résidus (LMR) de pesticides et de médicaments vétérinaires; et des codes d'usages en matière d'hygiène et de bonnes pratiques de fabrication.

I. La Conférence de 1991 et son impact sur le Codex

4. Au moment de la Conférence de 1991, la Commission du Codex Alimentarius avait déjà adopté plus de 240 normes alimentaires spécifiques à des produits, ainsi que des normes générales, codes ou directives dans les domaines de l'étiquetage des denrées alimentaires, de l'étiquetage nutritionnel et de l'hygiène alimentaire, y compris une version récemment révisée du Code d'usages pour les aliments peu acides en conserve, l'adaptant aux pratiques actuelles. Plus de 2000 LMR pour les pesticides avaient été établies et des travaux étaient en cours concernant les LMR pour les médicaments vétérinaires.

5. La principale question dont était saisie la Conférence de 1991 était l'inclusion imminente des références aux normes Codex dans les accords commerciaux négociés au titre du Cycle d'Uruguay. Il était clair désormais que le statut qui serait conféré aux normes Codex comme partie intégrante des accords du Cycle d'Uruguay signifiait que la Commission du Codex Alimentarius devrait mettre davantage l'accent sur la base scientifique des travaux du Codex, en particulier sur l'utilisation de l'évaluation des risques concernant l'innocuité des aliments. La Conférence de 1991 a demandé que l'on privilégie les aspects dits "horizontaux" des travaux du Codex, à savoir: additifs alimentaires, étiquetage, hygiène. Elle a aussi demandé que les normes Codex existantes soient examinées et au besoin révisées afin de les rendre conformes aux pratiques actuelles. Un certain nombre d'autres questions ont aussi été soulevées, en particulier au sujet des délais nécessaires pour élaborer des normes Codex, de la transparence de la procédure d'élaboration et du rôle des normes trop dogmatiques dans un contexte de "déréglementation". La Conférence a également recommandé que la Commission commence à travailler activement sur des normes visant à établir l'équivalence des systèmes d'inspection et de certification des importations et des exportations.

6. La Commission du Codex Alimentarius s'est mise tout de suite à l'_uvre. De nouvelles procédures d'élaboration ont été mises en place, notamment l'adoption accélérée des normes Codex et textes apparentés. Un nouveau Comité a été créé, présidé par l'Australie, chargé d'établir des principes et directives pour l'inspection et la certification des importations/ exportations. Les comités du Codex ont commencé à examiner les normes et textes précédents. On a placé au premier rang des priorités les travaux sur les normes "horizontales" plus récentes, telles que la Norme générale pour l'utilisation des additifs alimentaires.

7. Ces changements ont contribué à convaincre les négociateurs du cycle d'Uruguay que les normes, directives et autres recommandations du Codex étaient bien la référence internationale pour la qualité et l'innocuité des aliments, référence nécessaire lorsque des normes et règlements alimentaires nationaux arbitraires ou injustifiés doivent être introduits dans les disciplines de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT).

8. En avril 1994 a été signé l'Acte final du Cycle d'Uruguay, portant création de l'Organisation mondiale du commerce et contenant les Accords sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires (Accord SPS) et sur les obstacles techniques au commerce (Accord OTC). L'Accord SPS se réfère spécifiquement aux normes, directives et autres recommandations du Codex et reconnaît que le Codex est la source de normes alimentaires internationales sur des questions n'ayant pas trait aux mesures sanitaires et phytosanitaires dans le cadre de l'Accord OTC. Les Accords sont entrés en vigueur le 1er janvier 1995.

II. Le Codex fait son bilan

9. L'impact de la Conférence de 1991 et de l'Acte final de 1994 se fait encore sentir au sein du Codex. Il sera bon de faire le bilan afin de voir quels changements majeurs sont intervenus dans le Codex de 1991 à aujourd'hui et d'examiner ensuite les perspectives d'avenir.

Depuis 1991, la Commission du Codex Alimentarius:

10. Le processus engagé par la Conférence sur les normes alimentaires de 1991 se poursuit. Une révision des normes est en cours dans les domaines suivants: fruits et légumes traités; aliments diététiques ou de régime ( y compris aliments pour nourrissons et enfants en bas âge); produits cacaotés et chocolat; et jus de fruits.

11. Dans les années qui ont suivi la Conférence de 1991, il a aussi été demandé à la Commission du Codex Alimentarius de se pencher sur de nouvelles questions qui n'étaient pas prévues en 1991. Elle a entrepris de nouvelles activités dans certains domaines horizontaux critiques, par exemple: les spécifications d'étiquetage requises pour les aliments dérivés (ou préparés à l'aide) des biotechnologies; l'étiquetage comportant des allégations relatives à la santé et à la nutrition; les spécifications d'étiquetage pour les "aliments biologiques"; et les spécifications pour les essais et les analyses inter-laboratoires. Elle a dû également examiner ses procédures de travail pour renforcer le consensus à la base de sa prise de décisions, rendre plus transparentes les opérations menées avec des organisations non gouvernementales et jeter les bases pour la création d'une structure d'organes subsidiaires plus flexible, capable d'aborder les problèmes spécifiques ne pouvant être résolus à l'aide de la structure fixe mise en place dans les années 60 et 70.

12. En 1999, l'"état des lieux" n'est pas tout à fait le même qu'en 1991. Il y a moins de normes, mais elles visent une gamme beaucoup plus vaste de produits alimentaires. Les codes d'usages sont moins dogmatiques, mais en même temps, ils couvrent un éventail plus large d'activités de production, transformation et commercialisation. Des thèmes complètement nouveaux relatifs à l'inspection, à la certification et aux conditions nécessaires pour déterminer l'équivalence ont vu le jour. L'analyse des risques a été établie en tant qu'étape fondamentale du processus décisionnel.

III. Le Codex et la FAO

13. Encore que le Codex fasse rapport à deux organisations "mères", il ne fait nul doute que l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) est son principal soutien. Elle prend à sa charge plus de 80 pour cent des coûts du programme du Codex, niveau qui est resté assez constant pendant plus de 30 ans. En outre, le Programme du Codex fait partie intégrante du programme ordinaire de la FAO, financé par les contributions statutaires des Etats Membres de la FAO à l'Organisation elle-même. L'importance du Codex et de son rôle en ce qui concerne la sécurité alimentaire et le commerce des denrées alimentaires a été reconnu dans des déclarations fondamentales telles que la Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale adoptée par le Sommet mondial de l'alimentation en 1996. L'aptitude du Codex à continuer d'agir comme animateur du commerce alimentaire international sera déterminée par la capacité de la FAO de continuer à appuyer le Codex dans le cadre de son budget.

14. Les liens étroits existants entre le programme du Codex et les programmes ordinaire et de terrain de la FAO sont encore mis en évidence par les activités menées par la FAO dans les pays en développement pour faciliter l'introduction et l'application des normes Codex et la mise en place de structures pour un contrôle efficace des aliments. La FAO est le principal fournisseur d'assistance technique aux pays en développement dans ces domaines. Les deux accords du Cycle d'Uruguay invitent les membres de l'OMC à fournir une assistance technique à l'appui de la mise en _uvre des accords dans les pays en développement. Le type d'assistance varie selon les besoins du pays et les ressources disponibles. De brefs séminaires et ateliers, financés par le Programme ordinaire de la FAO et souvent soutenus par des contributions du secteur privé, ont contribué à faire comprendre aux fonctionnaires des gouvernements, aux industriels et aux consommateurs l'importance du Codex et des accords de l'OMC. Des projets de développement à plus long terme qui comportent la révision des règlements nationaux de manière à les rendre conformes au Codex, une formation technique ou l'amélioration des moyens matériels, sont financés par le Programme de coopération technique de la FAO ou par des donateurs extérieurs.

15. Un autre aspect des liens étroits existant entre le programme du Codex et les activités de la FAO en général est mis en lumière par l'appui scientifique donné au processus du Codex par le JECFA et la JMPR, tous deux directement financés par le programme ordinaire de la FAO en tant qu'organes scientifiques d'experts indépendants.

IV. Perspectives d'avenir

A. LE CODEX DANS LE CADRE DES ACCORDS SPS ET OTC

16. Le nouveau statut conféré au Codex dans le cadre des accords SPS et OTC a bien eu quelques effets négatifs. Tant que les implications de ces deux accords ne seront pas claires, les membres du Codex continueront probablement d'agir avec beaucoup de prudence en approuvant de nouvelles normes, directives et autres recommandations. L'habitude du Codex de prendre des décisions par consensus est peu à peu rétablie, non seulement parce que cela est nécessaire pour faire de réels progrès mais aussi parce que cela est expressément requis par l'Accord OTC.

17. Un autre aspect qui rend prudents les pays membres du Codex est le manque de compréhension claire des obligations incombant aux pays lorsque le Codex adopte une norme ou un autre texte. Il est certain maintenant que les dispositions de l'Accord SPS ne signifient pas que toutes les spécifications nationales doivent être "conformes" aux spécifications des normes Codex. Cela implique notamment que les allégations faites de manière à ce que les normes Codex aient force de loi internationale ou un caractère contraignant pour les pays, ou encore l'emportent automatiquement sur la législation et les règlements nationaux, sont fausses, voire trompeuses. Une meilleure compréhension des implications des décisions récentes de l'OMC à cet égard devrait permettre d'accélérer l'élaboration de projets de normes Codex qui ont été laissés en suspens dans plusieurs domaines. Néanmoins, l'harmonisation des normes Codex nationales et internationales reste un objectif des accords de l'OMC et les pays qui adoptent des normes Codex pour leur réglementation nationale jouissent du statut de ces règlements supposés conformes à l'accord SPS.

18. Les décisions récentes de l'OMC aideront également à interpréter les quatre Déclarations de principes concernant le rôle de la science dans la prise de décisions du Codex et les autres facteurs à prendre en considération. A l'issue des débats sur les "autres facteurs légitimes", la Commission du Codex Alimentarius devrait pouvoir faire la différence entre les spécifications relatives à la qualité et à l'innocuité des aliments fondées sur des données scientifiques et d'autres attributs du commerce des denrées alimentaires et l'opinion des consommateurs qui se répercutent sur la vente et la distribution des produits alimentaires. De toute manière, il ne fait aucun doute que les normes Codex continueront de se fonder exclusivement sur des données scientifiques pour tous les aspects qui ont trait à la protection de la santé des consommateurs et à la promotion de pratiques loyales dans le commerce.

19. Du fait que l'OMC a un champ d'action plus vaste, bon nombre des incertitudes auxquelles les Etats Membres du Codex sont confrontés seront clarifiées, et ce d'une manière probablement continue et cumulative; avec le temps, cela renforcera le processus du Codex et le rapport entre la manière dont le Codex élabore ses normes et la manière dont les pays membres les appliquent dans le cadre du règlement intérieur de l'OMC.

B. LE CODEX EN TANT QUE PROCESSUS INTERNATIONAL EN COURS

20. Les structures de base et le règlement intérieur de la Commission du Codex Alimentarius ont été établis dans les années 60 et 70. Ils ont bien servi le Codex et on ne prévoit aucun changement radical. Néanmoins, plusieurs propositions sont à l'examen ou en phase d'élaboration qui devraient permettre de "peaufiner" un certain nombre de structures et de procédures du Codex et de rendre en général plus transparentes ses opérations.

21. Il s'agit d'abord d'examiner les structures actuelles du Codex. La FAO, ainsi que d'autres institutions des Nations Unies, élimine certains organes subsidiaires obsolètes ou peu efficaces. Le Codex n'échappe pas à ce phénomène et plusieurs comités inactifs pourraient être éliminés ou intégrés dans des comités plus larges. Cela ne représente pas du tout une critique du Codex, et si l'on regarde l'aspect positif des choses, cela permettra à la Commission du Codex Alimentarius d'établir des organes ad hoc qui devront résoudre dans les plus brefs délais des problèmes spécifiques, selon les besoins, avant d'être dissous.

22. Il s'agit également de répondre à la demande croissante des organisations de consommateurs, et en fait des gouvernements, de participer plus pleinement au Codex. Des principes ont été adoptés pour établir ledit "statut d'observateur" auprès du Codex. Etant donné que ces règlements s'appliqueront aussi aux groupes d'observateurs de l'industrie, on comprendra mieux à la longue comment toutes les organisations non gouvernementales pourront participer aux activités du Codex, et les droits et les obligations des organisations non gouvernementales participantes seront clairement définis.

23. Le nombre des membres de la Commission continue d'augmenter: on compte aujourd'hui 165 Etats Membres. Nous prévoyons que le Codex continuera d'attirer de nouveaux membres compte tenu de son rôle central en tant qu'animateur du commerce international des produits alimentaires, y compris des aliments transformés.

C. NORMES ALIMENTAIRES POUR DEMAIN

24. Les futures normes Codex verront se renforcer continuellement les bases scientifiques sur lesquelles se fonde la formulation de spécifications de qualité et d'innocuité. Le Codex fournira la structure de base pour intégrer le processus d'analyse des risques dans des normes alimentaires nationales et internationales et dans l'application de normes au moyen des procédures d'inspection et de certification. Une partie de ce processus est déjà en cours. La FAO encourage l'utilisation de mécanismes de contrôle de la qualité appropriés dans tous les aspects de la production, de la récolte, de l'entreposage, de la transformation et de la commercialisation des denrées alimentaires, y compris du système HACCP, système de contrôle de l'innocuité des aliments fondé sur l'industrie et visant à encourager la production d'aliments de meilleure qualité et plus sains dans tous les pays. Il faudra un peu de temps pour transformer ces innovations en des normes et codes Codex et parvenir à un consensus suffisant.

25. Le processus va s'accélérer, ce qui permettra d'introduire les mesures horizontales contenues dans les différentes normes Codex dans une série de normes générales. La Norme générale pour l'étiquetage des denrées alimentaires préemballées est un précurseur de ce processus; la Norme générale pour l'utilisation des additifs alimentaires est encore en phase d'élaboration. Lorsque le processus sera achevé (ou presque), il suffira de se reporter à la série de normes générales et autres textes du Codex pour obtenir toutes les informations nécessaires sur l'étiquetage, les additifs, les contaminants, les résidus, les méthodes d'analyse, l'inspection et la certification.

26. Les normes Codex concernant les produits, qui décrivent les nombreux facteurs de qualité requis pour assurer des pratiques loyales dans le commerce des denrées alimentaires, continueront d'être préparées et maintenues, encore que sous une forme plus compacte et plus facile à utiliser, tout en conservant les détails complets qu'elles renferment. Ces dix dernières années, les normes alimentaires ont accordé une importance croissante aux problèmes d'innocuité des aliments et à la protection de la santé. Tout porte à croire aujourd'hui que les aspects traditionnels de la normalisation des aliments, à savoir la qualité, la conformité aux facteurs de composition et l'étiquetage seront bientôt de nouveau mis en vedette.

On ne saurait élaborer des normes alimentaires internationales sans disposer des éléments suivants:

27. La Commission du Codex Alimentarius est une institution unique car elle réunit toutes les parties intéressées et fait fonction de catalyseur en fournissant des ressources et une assistance technique aux autorités chargées du contrôle des aliments partout dans le monde. Elle a montré qu'elle est capable de répondre aux besoins de ses membres et de la société dans son ensemble.